« Après le concile [Vatican II], la Constitution sur la liturgie ne fut pas comprise à partir du primat fondamental de l'adoration, de l'agenouillement humble de l'Eglise devant la grandeur de Dieu, mais plutôt comme un livre de recettes... Nous avons vu toutes sortes de créateurs ou d'animateurs qui cherchaient davantage à trouver des astuces pour présenter la liturgie de manière attrayante, plus communicative, en impliquant toujours plus de gens, mais en oubliant que la liturgie est faite pour Dieu. Si Dieu devient le grand absent, toutes les dérives sont possibles, des plus banales aux plus abjectes. Benoît XVI a souvent rappelé que la liturgie ne saurait être une oeuvre de créativité personnelle. Si nous faisons la liturgie pour nous-mêmes, elle s'éloigne du divin ; elle devient un jeu théâtral ridicule, vulgaire et ennuyeux. Nous aboutissons à des liturgies qui ressemblent à des opérettes, à une fête dominicale pour se divertir ou se réjouir ensemble après une semaine de travail et de soucis de toutes sortes. Dès lors, les fidèles repartent chez eux, après la célébration eucharistique, sans avoir rencontré personnellement Dieu ni l'avoir écouté au plus intime de leur coeur. Il manque ce face-à-face contemplatif et silencieux avec Dieu qui nous transforme et nous redonne des énergies qui permettent de le révéler à un monde de plus en plus indifférent aux questions spirituelles. Le coeur du mystère eucharistique est la célébration de la Passion, de la mort tragique du Christ et de sa Résurrection ; si ce mystère est noyé dans de longues cérémonies bruyantes et chamarrées, le pire est à craindre. Certaines messes sont tellement agitées qu'elles ne sont pas différentes d'une kermesse populaire. Il nous faut redécouvrir que l'essence de la liturgie restera éternellement marquée par le souci de la recherche filiale de Dieu. » Cardinal Robert Sarah, Dieu ou rien - Entretien sur la foi (ch. IV), Fayard, 2015. |
Premier temps fort de sa visite à Turin, la rencontre du Pape François avec le monde du travail. Un rendez-vous avec plusieurs milliers de personnes réunies sur la place Reale, en plein cœur de la capitale piémontaise. Plusieurs témoignages ont été lus, que le Souverain Pontife a écoutés avec une grande attention, comme celui d'une ouvrière au chômage partiel dont le mari est sans emploi. Lors de son discours, le Pape a salué les ouvriers, entrepreneurs et familles présents et exprimé sa proximité en particulier aux jeunes au chômage, aux personnes précaires et à tous ceux dont les conditions de travail sont difficiles. « Le travail est nécessaire non seulement pour l'économie, mais pour la personne humaine a-t-il souligné, pour sa dignité, pour sa citoyenneté et aussi pour l'insertion sociale. » « Turin est historiquement un pôle d'attractivité, a poursuivi le Saint-Père, mais qui ressent aujourd'hui fortement la crise : le travail manque, les inégalités économiques et sociales ont augmenté, et tant de personnes se sont appauvries, ont des problèmes de logement, de santé, d'accès à l'éducation. L'immigration augmente la compétition, mais les migrants ne peuvent être blâmés, a t-il précisé, parce qu'ils sont victimes de l'iniquité, de cette économie qui gaspille et des guerres. Le spectacle de ces derniers jours fait pleurer, où l'on a vu des êtres humains traités comme des marchandises ! » Un modèle économique basé sur le bien commun Nous sommes donc appelés une nouvelle fois à redire "non" à une économie du déchet, a poursuivi le Pape, "non" à l'idéologie de l'argent qui pousse à rentrer à tout prix dans la logique de ceux qui s'enrichissent au détriment de ceux qui s'appauvrissent, dire "non" aussi à la corruption tellement diffuse qu'elle semble être devenue un comportement normal. Dans ce contexte, a expliqué le Saint-Père, il ne faut pas top attendre de la "reprise" annoncée avec insistance par les économistes. Plutôt que d'attendre cette hypothétique reprise, « il est nécessaire que toute la société collabore pour qu'il y ait un travail digne pour chaque homme et femme, mais cela exige un modèle économique qui ne soit pas organisé en fonction du capital et de la production, mais basé sur le bien commun ». Le Pape François a également souligné que les femmes étaient encore trop souvent discriminées au travail, il a invité à investir avec courage dans la formation en cherchant à inverser la spirale de l'échec pour des jeunes et des enfants qui abandonnent l'école. Le Pape a vanté également les mérites d'un pacte social et générationnel déjà expérimenté dans le diocèse de Turin, et qui met à disposition des personnes des ressources pour qu'elles puissent surmonter la crise. « Il est temps de réactiver une solidarité entre les générations » a-t-il insisté en plaidant pour un soutien à l'apprentissage et pour un renforcement du lien entre les entreprises, les écoles professionnelles et l'université. Le Saint-Père a enfin rappelé combien la famille était importante en ces temps de crise : les enfants, promesse de l'avenir, tout comme les personnes âgées, richesse de la mémoire. « Soyez créatifs, courageux, allez de l'avant et soyez créatifs ! » a conclu le Pape, invitant ces représentants du monde travail à être les artisans du futur, en gardant l'espérance dans le Seigneur, qui ne déçoit jamais. Source : Radio Vatican. Texte intégral du discours en italien sur le site internet du Vatican. |
« l'amour de Dieu est un roc qui nous rend fort » Après sa rencontre avec le monde du travail, le Pape François s'est rendu dans la cathédrale de Turin, le Duomo, où il s'est recueilli quelques minutes devant le Saint-Suaire exposé dans l'obscurité, avant de se rendre en papamobile sur la place Vittorio pour célébrer la Messe en plein-air. Devant une place noire de monde, le Saint-Père a présidé la célébration eucharistique, concélébrée par Mgr Cesare Nosiglia, archevêque de Turin et le cardinal Severino Poletto, l'archevêque émérite de la ville. Au cours de son homélie, le Pape est revenu sur l'amour fidèle de Dieu évoqué dans les lectures du jour. « Jésus nous aime pour toujours, sans limite et sans mesure. La fidélité de Jésus ne faiblit jamais devant notre infidélité » a dit le Souverain Pontife. « L'amour de Dieu recrée tout, a-t-il poursuivi en développant une deuxième caractéristique de cet amour, il fait toute chose nouvelle. » « Reconnaitre nos propres faiblesses et limites ouvre la porte au pardon de Jésus. » L'amour de Dieu est stable et sûr a enfin souligné le Pape, Jésus le manifeste dans le miracle de l’Évangile de Matthieu, où il calme la tempête et rassure ses disciples. Ne pas se laisser paralyser par la peur « Chers Piémontais, nos ancêtres savaient bien ce que veut dire le roc et la solidité ! » a poursuivi le Saint-Père en faisant allusion à ses racines piémontaises, avant de citer des vers de Nino Costa, un célèbre poète local. Ce poème, en dialecte piémontais était dédié aux travailleurs italiens de la région partis trouver du travail à l'étranger, et revient sur le courage de ces hommes et femmes qui n'ont pas épargné leurs efforts. Aujourd'hui a expliqué le Saint-Père, nous pouvons nous demander si nous reposons sur ce roc qu'est l'amour de Dieu. Il y a toujours ce risque d'oublier l'amour que Dieu nous a montré. « Nous aussi, chrétiens, a t-il lancé, nous courons le risque de nous laisser paralyser par nos peurs de l'avenir, de chercher des sécurités dans des choses qui passent, dans un modèle de société fermé qui tend à exclure plutôt qu'à inclure ». Nous aussi pouvons, comme tant de Saints, vivre et partager la joie de l’Évangile avec miséricorde, spécialement les plus fragiles et ceux qui sont marqués par la crise économique. Le Pape a ainsi fait une nouvelle allusion aux familles : « les familles ont besoin de sentir la caresse maternelle de l’Église » pour aller de l'avant. Appel à la générosité Si nous sommes conscient de cet amour, il nous rend fort, prêts à affronter les difficultés et regarder l'avenir avec courage. « L'amour de Dieu est comme une barrière sûre contre les ondes de l'orgueil et des fausses nouveautés » a expliqué le Pape François, invitant ainsi les Italiens à ne pas se fermer devant les difficultés. Reprenant les paroles de l'Évangile, il a expliqué que « comme le lac de Galilée, Jésus est Celui qui vainc les forces du mal et les menaces de désespoir sur la mer de notre existence ». « La paix que Jésus nous donne est pour tous, et aussi pour nos frères et sœurs qui fuient les guerres et persécutions à la recherche de la paix et de la liberté » a t-il poursuivi dans une allusion claire à l'actualité. Le Saint-Père a achevé son homélie en demandant de se confier à la Vierge. C'est elle qui nous aide à suivre le Seigneur pour demeurer fidèles, pour se laisser renouveler chaque jour et demeurer dans son amour. Source : Radio Vatican. Texte intégral de l'homélie en italien sur le site internet du Vatican. |
La visite du Pape François à Turin a été organisée aussi pour célébrer le bicentenaire de Saint Jean Bosco, grande figure du catholicisme italien et du Piémont, apôtre des jeunes qui s'est consacré à l'éducation des enfants défavorisés, et qui a fondé la grande famille des Salésiens. Après avoir déjeuné avec des jeunes détenus, des immigrés, des SDF et une famille Rom, et avoir brièvement visité le sanctuaire de la Consolata, lié au culte de la Vierge Marie dans le vieux Turin, le Saint-Père s’est rendu, ce dimanche en début d’après-midi, à la basilique Sainte-Marie-Auxiliatrice, construite selon la volonté de Don Bosco près de la maison pour les enfants pauvres qu’il avait fondée et qui abrite ses reliques. Le Pape François a été accueilli par les jeunes éducateurs et animateurs, par le recteur majeur des Salésiens, le Père Artime et par la Supérieur générale des Filles de Marie Auxiliatrice, Sœur Yvonne Reungoat. Le Saint-Père avait préparé un discours, mais comme il l'a souvent fait, il a laissé ses notes pour improviser. Il a d'abord raconté ses souvenirs personnels en soulignant qu'il était très lié à la famille salésienne. « C'est un Salésien qui m'a baptisé et a guidé ma vocation » a-t-il expliqué, révélant que son propre père, arrivé en Argentine s'était inscrit dans une école de football fondée en 1908 par des Salésiens. Le charisme de Don Bosco Le Pape est ensuite revenu en particulier sur la figure de Don Bosco, au charisme toujours très fort. « Don Bosco a risqué son ministère, en allant vers ces jeunes abandonnés, livrés à eux-mêmes. Aujourd’hui, 40% des jeunes Italiens sont sans travail a rappelé le Sain-Père, et vous, Salésiens, avez le même défi que Don Bosco. » Il a souligné qu'il fallait une éducation à la hauteur de la crise d'aujourd'hui, et loué le charisme du fondateur de la famille salésienne pour son courage, sa confiance en Dieu et sa grande dévotion à la Vierge lorsqu'il priait Marie Auxiliatrice. Le Saint-Père a rappelé les "trois blancheurs" de Don Bosco : la Vierge, l'Eucharistie et le Pape, car il aimait l'Eglise. Il a aussi rendu hommage à la joie salésienne qui l'a personnellement toujours marqué. « Les Salésiens ont le sens concret des choses... je rends grâce à Dieu pour mon expérience salésienne, cela m’a aidé à avancer avec joie dans la prière » a-t-il conclu, très applaudi. Source : Radio Vatican. Texte intégral du discours (préparé par le Saint-Père) en italien sur le site internet du Vatican. |
Une étape qui ne pouvait pas manquer au programme de la visite du Pape François à Turin : le Cottolengo, la Petite Maison de la Divine Miséricorde, à la fois monastère, hôpital et asile, fondé au 19e siècle par le « Saint Vincent de Paul italien », Joseph-Benoît Cottolengo. Il s’agit une institution atypique destinée à accueillir tous les malades pauvres, quelle que soit leur pathologie, surtout certains handicapés qui à l’époque du Père Cottolengo étaient refusés par les hôpitaux, comme les épileptiques, les malades mentaux et les sourds-muets. Pour animer son institution qui a essaimé à travers le monde, Joseph Cottolengo a fondé une Congrégation de religieuses et un Institut de frères, prêtres et laïcs. Le Saint-Père s’est rendu, dimanche après-midi, dans ce lieu de charité pour y rencontrer des malades et des handicapés. L’occasion pour lui de relever que l’exclusion des pauvres existe encore aujourd’hui. « La médecine a fait des progrès mais la culture du déchet a provoqué une crise anthropologique : ce n’est plus l’homme qui est au centre des actions mais la consommation et les intérêts économiques » a-t-il répété, dans un ton proche de celui employé dans son encyclique "Laudato Si" publiée jeudi dernier. Parmi les personnes délaissées, le Pape François a cité les personnes âgées. « Elles sont la mémoire et la sagesse des peuples ; et pourtant leur longévité n’est pas toujours perçue comme un don de Dieu, mais au contraire comme un poids difficile à supporter. » Le Souverain Pontife invite donc à « développer des anticorps » contre cette mentalité qui fait tant de mal à la société. « Il s’agit d’un péché, a-t-il martelé, d’un grave péché social ». Le Pape François a rendu un hommage appuyé au Père Cottolengo, à son amour évangélique concret. « La raison d’être de cette institution, a-t-il dit, n’est pas une forme d’assistanat ou de philanthropie, c’est l’Évangile, l’amour préférentiel de Jésus pour les plus fragiles et les plus faibles. » Le Saint-Père a par ailleurs invité les malades à devenir les témoins et les apôtres de la Divine Miséricorde qui sauve le monde. « En contemplant le Christ crucifié, et avec l’aide de ceux qui prennent soin de vous, leur a-t-il dit, vous trouverez la force et la consolation pour porter votre croix tous les jours. » Source : Radio Vatican. Texte intégral du discours en italien sur le site internet du Vatican. |
L’enthousiasme et l’émotion étaient au rendez-vous, ce dimanche soir à Turin, lors de la rencontre du Pape François avec les jeunes qui lui ont posé leurs questions. Le Saint-Père est descendu de la tribune pour saluer des enfants et des handicapés qui lui ont offert des bracelets colorés et des dessins. Ils étaient quelque 90.000 sur la Piazza Vittorio, la plus grande d’Europe, où le Pape François avait déjà rencontré le monde du travail dans la matinée. Dans un discours improvisé, plusieurs fois interrompu par les applaudissements, il a condamné une fois encore l’hypocrisie de ceux qui parlent de paix et qui fabriquent ou vendent des armes. Citant des exemples dramatiques, il a appelé les jeunes à « vivre pleinement plutôt que de vivoter, comme ces jeunes qui vivent comme des végétaux, qui vont à la retraite à 20 ans. » Le Pape s'est fait le porte-voix des questions de la jeunesse sur les erreurs de leurs aînés, notamment dans certaines situations historiques. « Pourquoi les alliés n’ont-ils pas bombardé les lignes de chemin de fer qui conduisaient aux camps où on tuait les juifs, les homosexuels et les roms ? Et pourtant ils avaient des preuves. Pourquoi les grandes puissances n’ont-elles pas arrêté le massacre des arméniens, plus d’un million de personnes », s’est interrogé le Souverain Pontife en dialoguant avec les jeunes. « Et les chrétiens tués par Staline alors que les grandes puissances se partageaient l’Europe comme un gâteau ? » « Aujourd’hui nous vivons une guerre mondiale par morceaux, et il y a des jeunes désespérés qui sont tentés par le terrorisme », a-t-il rappelé avec tristesse. Le Saint-Père comprend la défiance et le découragement des jeunes à l’égard du monde contemporain. « Si on ne fait confiance qu’aux hommes, on a perdu d’avance. » Le Pape François a par ailleurs demandé aux jeunes de « faire l’effort de vivre de manière chaste, même si c’est une parole impopulaire dans un monde hédoniste, où la publicité vante le plaisir. Mais l’amour est un service et il ne faut pas profiter de son partenaire. Il faut avoir le courage d’aller à contre-courant.» Le Pape ne veut pas « passer pour un moraliste mais il doit dire la vérité, que ce que l’on essaye de nous vendre est du verre et pas des diamants. » Il a enfin exhorté les jeunes à ne pas être naïfs, mais courageux et créatifs, à sortir, à ne jamais s’arrêter et à aller toujours de l’avant. Source : Radio Vatican. Texte intégral du discours en italien sur le site internet du Vatican. |