« Rares sont les chrétiens qui ont fait de l'Evangile leur Loi...
Ne nous sommes-nous pas fait un code de vie assez étranger à la Loi du Christ ? Sous l'action de l'esprit du monde, de ce que saint Paul appelait "la chair", de celui que saint Jean appelait "le prince du monde", nous nous sommes fait une morale, voire une religion, qui évincent, par prétérition, d'authentiques enseignements de Jésus-Christ, et érigent un barème de valeurs dicté par le sens humain plus que par le sens de Dieu. Inconsciente, peut-être, notre trahison stérilise l'Evangile chez ceux-là même qui professent sa foi. Elle généralise un Christianisme mondain, édulcoré, qui a perdu dans les compromissions, sa virulence, et par suite, sa puissance de conquête. De là vient la fadeur du monde chrétien, qui inspire à des incroyants sincères un désintéressement qui va jusqu'au dégoût... D'où vient notre infidélité ? D'abord de ce que l'Evangile nous fait peur. Cette lâcheté, mal avouable, s'excuse en partie par une confusion dont nous sommes les victimes. Certains enseignements de Jésus s'adressent, en effet, à des hommes marqués par une vocation spéciale. Tels ceux qu'il adresse aux apôtres envoyés en mission sans bourse ni sandale. Les chrétiens en sont venus à considérer l'Evangile comme l'expression d'un idéal facultatif. Nous oublions, à côté des enseignements réservés à quelques uns, les injonctions qui s'adressent à tous... L'Evangile est "un signe de contradiction" ; et, puisqu'il est vérité et lumière, il faut aimer qu'il nous frappe. Puisse-t-il nous ranger parmi ceux dont le Christ n'aura pas à rougir quand il les présentera à Son Père. » P. Paul Doncoeur (1880-1961), L'Evangile du glaive, A L'Orante, Paris, 1948. |