« En toute vérité, selon la doctrine de saint Thomas, nous devons dire : il n'est pas de péché, commis par un autre homme, que je ne puisse commettre dans les mêmes circonstances, par suite de l'infirmité de mon libre-arbitre et de ma propre fragilité (l'Apôtre Pierre par trois fois a renié son Maître) ; et si de fait je ne suis pas tombé, si j'ai persévéré, c'est sans doute parce que j'ai travaillé et lutté, mais sans la grâce divine je n'aurais rien fait : "Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à votre nom donnez la gloire" (1). "Comme l'argile entre les mains du potier, ainsi mon âme entre vos mains" (2). "C'est vous qui m'avez fait et formé" (3) ; "Vous m'avez racheté de votre sang" (4). "Si je n'ai pas péri, c'est à cause de votre miséricorde" (5). "Je remets mon âme entre vos mains" (6) : "Voilà, dit Saint Augustin, ce qu'il faut croire et dire, en toute piété et vérité, pour que notre confession soit humble et suppliante, et pour que tout revienne à Dieu." (7) Telle est la vraie humilité : "Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu ?" (8) Les saints constatant leurs défaillances se disent : Si tel criminel avait reçu toutes les grâces que le Seigneur m'a données, il aurait été peut-être moins infidèle que moi. La vue de la gratuité des prédilections divines les confirme dans l'humilité, ils se rappellent le mot de Jésus : "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis." »

P. Rég. Garrigou-Lagrange o.p., Perfection chrétienne et Contemplation selon S. Thomas d'Aquin et S. Jean de la Croix (tome 1, ch. II art.4), Editions de la Vie spirituelle, Saint-Maximin, 1923.

(1) : Ps. CXIII, I
(2) : Eccli. XXXIII, 13 ; Jer. XVIII, 6
(3) : Ps. CXVIII, 73
(4) : Apoc. V, 9
(5) : Thre. III, 22
(6) : Ps. XXX, 6 ; Luc XXII, 46
(7) : De dono perseverantiae c.13
(8) : I Cor. IV, 7