« Voulez-vous que toutes vos prières soient infailliblement efficaces ? Voulez-vous forcer Dieu à satisfaire tous vos désirs ? Je dis d'abord qu'il ne faut jamais se lasser de prier... Ecoutez, âmes chrétiennes, un sentiment que je voudrais pouvoir graver dans tous vos coeurs. Quand on a véritablement conçu jusqu'où s'étend la bonté de Dieu, on ne se croit jamais rebuté, on ne saurait croire qu'il veuille nous ôter toute espérance. Pour moi j'avoue que plus je vois que Dieu me fait demander une grâce, plus je sens croître en moi le désir de l'obtenir : je ne crois jamais que ma prière est rejetée que quand je m'aperçois que j'ai cessé de prier ; lorsqu'après un an de prière, je me trouve autant de ferveur à demander que j'en avais en commençant, je ne doute plus de l'accomplissement de mes désirs, et bien loin de perdre courage après tant de délais, je crois avoir lieu de me réjouir, parce que je suis persuadé que je serai plus pleinement satisfait qu'on m'aura laissé prier plus longtemps... En effet, la conversion d'Augustin ne fut accordée à sainte Monique qu'après seize ans de larmes ; mais aussi ce fut une conversion entière, une conversion incomparablement plus parfaite qu'elle ne l'avait demandée. Tous ses désirs se terminaient à voir l'incontinence de ce jeune homme réduite dans les bornes du mariage ; et elle eut le plaisir de lui voir embrasser les conseils les plus relevés de la chasteté évangélique. Elle avait seulement souhaité qu'il fût chrétien, et elle le vit élevé au sacerdoce, à la dignité d'évêque. Enfin elle ne demandait à Dieu que de le voir sortir de l'hérésie, et Dieu en fit la colonne de son Eglise, et le fléau des hérétiques de son temps. Si, après un ou deux ans de prières, cette pieuse mère se fût rebutée ; si, après dix ou douze ans, voyant que le mal croissait tous les jours, que ce malheureux fils s'engageait encore en de nouvelles erreurs, en de nouvelles débauches, qu'à l'impureté il avait ajouté l'avarice et l'ambition ; si alors elle eût tout abandonné par désespoir, quelle aurait été son illusion, quel tort n'aurait-elle pas fait à son fils, de quelle consolation ne se serait-elle pas privée elle-même, de quel trésor n'aurait-elle pas frustré son siècle et tous les siècles à venir ? » P. Edouard de Lehen s.j. (1807-1867), La Voie de la Paix intérieure dédiée à Notre-Dame de la Paix (Troisième Partie, Chap. V, Art. I), Nouvelle édition, Paris, René Haton, 1883 (1ère éd. Paris, 1855). |