« Au fond du coeur de tout homme venant en ce monde, il y a une soif, la soif de l'infini. Cette soif, c'est quelque chose que l'homme ne peut pas arracher de son coeur ; Dieu lui-même l'y a mise comme sa marque de fabrique. Nous sommes libres de chercher cet infini hors de Dieu, mais nous ne sommes pas libres de ne pas chercher l'infini. Si l'homme le cherche en Dieu, il le trouve, mais si, oubliant son Dieu, il le demande aux créatures, au lieu de l'eau vive, il ne trouve en ces pauvres créatures que quelques gouttes d'une eau bourbeuse qui ne saurait apaiser sa soif. [...] « Fecisti nos ad te, Domine, et irrequietum est cor nostrum donec requiescat in te. » « Vous nous avez faits pour vous, Seigneur, c'est pourquoi notre coeur ne sera jamais tranquille tant qu'il ne reposera pas en vous. » St Augustin « Seigneur, vous nous avez faits pour vous ». « Pour vous » est une traduction un peu faible. Le Docteur, en effet, ne dit pas tibi mais bien ad te ; or ad exprime la tendance ; il faut dire : « Seigneur, vous nous avez faits vers vous ». Dieu nous a créés dans une tendance vers lui ; tout notre être est une tendance vers l'infini et alors la conséquence : irrequietum est cor nostrum - notre coeur est sans repos possible, - donec requiescat in te - jusqu'à ce qu'il se repose en vous. [...] Quand l'homme s'éloigne de Dieu qui est la source des eaux vives, il se met à creuser d'autres citernes et, en les creusant, il les crève du même coup, parce qu'il veut y mettre l'infini ; il les fabrique, il les fait éclater par l'immensité de son désir : Foederunt sibi cisternas dissipatas... » [P. Pierre-Thomas Dehau (1870-1956)], Des fleuves d'eau vive (Les nourritures terrestres), Lyon, Les Editions de l'Abeille, 1941. |