« Avec l’avènement du Messie, l’histoire du monde bascule des ténèbres dans la lumière et la joie définitives. L’Incarnation de Dieu en Jésus Christ, c’est le temps lui-même qui s’accomplit et entre dans sa plénitude, la création est à son achèvement, la terre-mère enceinte depuis des millénaires enfante Dieu en personne, l’Emmanuel, qui signifie : "Dieu avec nous". C’est cette Joie indescriptible qui est l’aboutissement de toutes les Écritures et la réalisation des prophéties ancestrales. Bien plus : cet événement est au coeur même de l’aventure cosmique. L’expansion des galaxies, la naissance et la réussite de la vie sur notre planète, l’apparition et l’histoire de l’homme, tout converge vers cet instant : c’est en lui, le Verbe de Dieu, que tout a été créé. L’univers a mis des milliards d’années à composer son Chef d’oeuvre. Depuis, le plus antireligieux des hommes compte les jours et les siècles à partir de cette date unique qui partage l’histoire en deux : "Avant Jésus Christ" et "Après Jésus Christ" ! En lui, l’Absolu s’est fait visage, l’ultime réalité a dévoilé son nom en Jésus Christ : DIEU EST JOIE ! On comprend alors pourquoi la joie est le premier et le dernier mot de son Évangile. Dès que l’Ange proclame aux bergers la bonne nouvelle de la naissance du Christ, il dit : Je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple (Lc 2,10). C’est ainsi que tout commence, mais c’est également ainsi que tout se termine dans la vie terrestre du Christ, lorsqu’il se rendra invisible le jour de son Ascension : Les disciples l’adorèrent et retournèrent à Jérusalem avec une grande joie (Lc 24,52). [...] Sans cette joie le christianisme lui-même, comme tel, est incompréhensible et l’Église inutile. Avec ou sans elle, je peux à chaque instant traduire l’Amour ou le trahir ! C’est pourquoi Jésus demande à ses disciples d’être joyeux de cette grande joie... Peu de chrétiens savent que c’est là même un commandement : Que la joie qui est en moi soit aussi en vous et que votre joie soit parfaite ! (Jn 15,11) Plus que cela, il n’y a pas de sainteté sans joie, elle est vraiment le test que nous sommes sur le Chemin : Soyez joyeux, devenez parfaits (2 Co 13,11), et saint Paul insiste constamment : Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le répète encore : réjouissez-vous ! Motif : Le Seigneur est proche ! (Ph 4,4) Notre joie réside dans le seul fait bouleversant que Dieu existe et qu’il soit venu chez nous, dans notre intimité. Dieu est, cela suffit. Se réjouir à plein de ce qu’il est, lui, et rendre grâce en tous temps et en tous lieux à cause de lui-même, c’est poser l’acte le plus élevé du détachement de soi, le plus opposé à l’égoïsme, c’est entrer dans le dépouillement total de la crèche et ne plus voir que la splendeur de Jésus. Sa beauté nous métamorphose... » Père Alphonse Goettmann, article publié dans la revue "le Chemin" numéro 29, 1995. |