« Seigneur, la souffrance est la grande loi de ce monde, et, quelques efforts que l'on fasse pour l'oublier, il faut bien comprendre enfin que la vie humaine est souvent un chemin de la croix. Ce que vous y ajoutez pour nos fils n'est pas une augmentation de peines et de douleurs, mais une consolation céleste, un secours tout-puissant, le don d'une sagesse supérieure qui change les stériles souffrances en sacrifices féconds, les tristesses découragées en résignation tranquille et en espérance. Je crois à votre parole. Au lieu de demeurer comme anéanti sous le fardeau de ma croix, j'entreprends de la soulever et de la porter à votre suite, de renoncer à mon sens propre, à mes révoltes, à mes regrets, à mes désirs impuissants, et de marcher avec vous dans cette voie du sacrifice chrétien où vous m'appelez. Seigneur, à peine engagé sur le chemin de la croix, j'entends déjà tomber de vos lèvres des paroles d'une pénétrante douceur ; à peine ai-je commencé le sacrifice, et déjà vous m'apportez la consolation ; à peine ai-je entrepris de porter ma croix, et déjà votre main divine en allège le poids et me force de reconnaître « que votre joug est doux et votre fardeau léger ». O Jésus ! qui commandez des sacrifices nécessaires, mais qui sans cesse en adoucissez la peine par votre tendre amour ; ô Jésus ! qui commandez le renoncement, mais qui faites trouver à l'âme détachée d'elle-même plus de trésors qu'elle n'en posséda jamais dans ses attaches ; ô Jésus ! qui nous ordonnez de porter la croix de chaque jour si nous voulons vous suivre, mais qui changez cette croix en un joug doux et un fardeau léger ; ô Jésus ! qui vous contentez souvent de la moindre bonne volonté de nos coeurs, et qui récompensez par des consolations surabondantes nos plus faibles efforts, non, je ne vous crains plus ! Je ne m'effraye plus de votre évangile ; je ne tremble plus au seul nom de la croix ! Je sais qu'en elle est le secret des grandes consolations et des vrais soutiens dans ce chemin de la vie, où, quoi qu'on veuille, il faut souffrir. Je m'approche d'elle avec confiance, et, aujourd'hui, en particulier, je viens chercher à ses pieds et dans le souvenir de votre passion des grâces nouvelles de force et de patience. Ne me les refusez pas, ô généreux maître ! et recevez-moi dans votre cortège, parmi ces âmes fidèles qui trouvent en vous suivant au Calvaire la force de profiter de leurs peines, et de changer en richesses inépuisables toutes les amertumes du monde. » Abbé Henri Perreyve (1831-1865), Le sacrifice chrétien, in "Elévations Prières et Pensées de l'Abbé Perreyve, recueillies par l'Abbé Peyroux", A la Librairie de l'Art Catholique, Paris, 1917. |