« Ces grands désirs sont le signe qui marque les âmes faites pour les grandes choses. Seuls ces grands désirs peuvent fournir la force nécessaire pour surmonter les difficultés de la route et tout dépasser. Ils sont le souffle qui emporte l'âme haut et loin. Sainte Thérèse [d'Avila] apporte pour nous en convaincre le témoignage de son expérience : « Il faut en outre s'animer d'une grande confiance ; car il nous est très avantageux de ne point ralentir nos désirs. Nous devons attendre de la bonté de Dieu que nos efforts nous amèneront, je ne dis pas de suite, mais au moins peu à peu, là où beaucoup de saints sont arrivés avec sa grâce. S'ils n'avaient jamais conçu de tels désirs et ne les avaient mis peu à peu à exécution, ils ne seraient point parvenus à un si haut état. Sa Majesté recherche et aime les âmes généreuses, pourvu qu'elles soient humbles et ne mettent aucune confiance en elles-mêmes. Je n'ai jamais vu non plus une âme pusillanime qui se cache sous le manteau de l'humilité, faire au bout de longues années autant de chemin que les autres en très peu de temps. (1). »Ces grands désirs ne sont-ils pas le fruit de l'orgueil ? Oui, peut-être en certains cas ; mais alors ils sombreront dans les premiers échecs et les épreuves de la vie quotidienne. Mais à priori on n'a pas le droit de les juger tels, même si l'inexpérience du débutant les colore de quelques belles illusions. Grandeur d'âme et humilité vont bien ensemble et s'appuient toutes deux sur le sentiment de la faiblesse humaine et la foi en la miséricorde toute-puissante de Dieu. L'exemple et le témoignage de la plus célèbre des filles de sainte Thérèse, Thérèse de Lisieux, nous en apportent la preuve. Elle écrit dans le livre de sa Vie : « Pensant alors que j'étais née pour la gloire, et cherchant le moyen d'y parvenir, il me fut révélé intérieurement que ma gloire à moi ne paraîtrait jamais aux yeux des mortels, mais qu'elle consisterait à devenir une sainte.Grands désirs et humilité peuvent marcher de pair, se garantissent et se fécondent mutuellement. Seule l'humilité peut conserver aux grands désirs leur regard confiant vers les sommets à travers les vicissitudes intérieures et extérieures de la vie spirituelle. D'autre part l'humilité serait fausse qui ferait renoncer une âme à ses grands désirs et la vouerait ainsi à la tiédeur ou à une honnête médiocrité. » 1. Vie, ch. XIII, pp. 122-123. - 2. Histoire d'une âme, ch. IV, p. 55. Vénérable Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus O.C.D. (1894-1967), Je veux voir Dieu (Deux. Part. ch. II, BIII), Editions du Carmel, Tarascon, 1949. |