« La vie spirituelle est comme une danse avec un partenaire qui a beaucoup d'imagination et qui mène le jeu. Il faut être éveillé, guettant le moindre indice de ses intentions, souple, prêt à s'adapter à ses mouvements dès qu'ils s'amorcent ; donc disponible, libre de toute préconception, grand ouvert à l'imprévu, débarrassé de toute entrave, détaché, prêt à tout lâcher sans hésitation. Il ne faut pas chercher à arrêter le mouvement en s'installant. Il ne faut s'installer nulle part, ni en rien. [...] Nous avons l'habitude de nos jours de nous en remettre aux spécialistes, aux gens qualifiés. Alors, laissons tout cela à Dieu. Pour nous, cherchons le Royaume.

"Facile est la route qui mène à Dieu, car pour y avancer, il faut non se charger, mais se décharger" (SR 4.33.7)
Se décharger : voilà le secret de la paix ; seul le pauvre de coeur peut jouir de la paix intérieure, car seul il est pur de coeur. Il faut tout donner, ne rien se réserver : temps, goûts, affections du coeur, pensées de l'esprit - et cela par charité. C'est encore mieux si on vous les prend, le don est plus pur. Ne pas refuser à celui qui vous impose un travail ennuyeux, qui prend le livre que vous êtes en train de lire, qui a besoin de votre affection, qui vous impose sa volonté et ses goûts, qui abuse de votre bonne volonté, et que sais-je encore.
"A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui ; à qui te demande, donne ; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos" (Mt 5, 40-42).
Car, en tout cela, nous voyons les mains du Père, et, dans notre prochain, le visage du Christ (voir Mt 25). »

Le chemin du vrai bonheur par un Chartreux (ch. 12), Presses de la Renaissance, Paris, 2002.