« Je suis convaincu que la crise de l'Eglise que nous vivons aujourd'hui repose largement sur la désintégration de la liturgie qui est parfois même conçue de telle manière - etsi Deus non daretur (*) - que son propos n'est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu'Il s'adresse à nous et nous écoute. Mais si la liturgie ne laisse plus apparaître une communauté de foi, l'unité universelle de l'Eglise et de son histoire, le mystère du Christ vivant, où l'Eglise manifeste-t-elle donc encore sa nature spirituelle ? » (*) : devise attribuée au juriste hollandais Hugo Grotius (1583-1645), "comme si Dieu n'existait pas". Joseph Ratzinger [Pape émérite Benoît XVI], Ma vie mes souvenirs, Fayard, 1998. |
Ce matin, le Saint-Père a célébré la messe en la Basilique vaticane pour les séminaristes, novices et consacrés rassemblés à Rome dans le cadre de l'Année de la foi, centrant l'homélie sur sens de la mission de l'Eglise qui leur revient : "Vous êtes tous en cheminement vocationnel, et provenez de toutes les parties du monde : vous représentez la jeunesse de l’Eglise ! Si l’Eglise est l’Epouse du Christ, en un certain sens vous représentez le moment des fiançailles, le printemps de la vocation, la saison de la découverte, de la vérification, de la formation. Et c’est une très belle saison dans laquelle sont jetées les bases pour l’avenir... Aujourd’hui la Parole de Dieu nous parle de la mission... Quels sont les points de repère de la mission chrétienne ? Les lectures que nous avons écoutées nous en suggèrent trois, la joie de la consolation, la Croix et la prière. Le premier élément est la joie de la consolation. Le prophète Isaïe s’adresse à un peuple qui a traversé la période sombre de l’exil pour qui, après une épreuve très dure, est venu le temps de la consolation, de la tristesse et de la joie... Quel est la raison de cette invitation à la joie ? Le Seigneur, qui répand sur la Cité sainte et ses habitants un torrent de consolations...un torrent de tendresse maternelle. Ainsi agit le Seigneur envers nous. Tout chrétien, et nous plus que les autres, sommes appelés à porter ce message d’espérance qui donne sérénité et joie, la consolation de Dieu, sa tendresse envers tous. Mais nous ne pouvons pas en être porteur si nous n’expérimentons pas nous-mêmes en premier la joie d’être consolés par lui, d’être aimés de lui. Il est important, pour que notre mission soit féconde, de vivre la consolation de Dieu et la transmettre ! J’ai rencontré quelquefois des personnes consacrées qui ont peur de la consolation de Dieu, et des pauvres qui se tourmentent, parce qu’ils ont peur de cette tendresse de Dieu. Mais vous, n’ayez pas peur !... Trouvez le Seigneur qui nous console et allez consoler le Peuple de Dieu. Cela est la mission. Les gens aujourd’hui ont besoin, certainement, de paroles, mais ils ont besoin surtout que nous témoignions la miséricorde, la tendresse du Seigneur qui réchauffe le cœur, qui réveille l’espérance, qui attire vers le bien et la joie de porter la consolation de Dieu. Le second point de repère de la mission est la Croix. Saint Paul, écrivant aux galates, affirme que pour lui la croix du Seigneur demeure sa seule gloire... Dans son ministère, Paul a expérimenté la souffrance, la faiblesse et l’échec, mais aussi la joie et la consolation. C’est le mystère pascal de Jésus, le mystère de mort et de résurrection... A l’heure de l’obscurité, à l’heure et de l’épreuve est déjà présente et agissante l’aube de la lumière et du salut. Le mystère pascal est le cœur palpitant de la mission de l’Eglise. Et si nous demeurons dans ce mystère, nous sommes à l’abri, aussi bien d’une vision mondaine et triomphaliste de la mission, que du découragement qui peut naître devant les épreuves et les échecs. La fécondité pastorale, la fécondité de l’annonce de l’Evangile n’est donnée ni par le succès, ni par l’insuccès évalués selon des critères humains, mais par la conformité avec la logique de la Croix de Jésus, qui est la logique du sortir de soi-même pour se donner, la logique de l’amour. C’est la Croix, toujours la Croix avec le Christ, parce que parfois on nous la propose sans le Christ. C'est impossible. C’est la Croix, toujours la Croix avec le Christ qui assure la fécondité de notre mission. Et c’est de la Croix, acte suprême de miséricorde et d’amour, que l’on renaît comme créature nouvelle. Enfin, le troisième élément c'est la prière. Dans l’Evangile nous avons entendu qu'il fallait prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers. Les ouvriers pour la moisson ne sont pas choisis par campagne publicitaire ou appel au service de la générosité. Ils sont choisis et envoyés par Dieu, qui seul choisit...et ordonne la mission. Pour cette raison, la prière est importante. L’Eglise, nous a répété Benoît XVI, n’est pas nôtre. Elle est de Dieu. Si souvent, nous, les consacrés, nous pensons qu’elle est nôtre. Nous faisons d’elle quelque chose qui nous vient à l’esprit, or le champ à cultiver est celui de Dieu. Par conséquent la mission est essentiellement grâce. La mission est grâce. Et si l’apôtre est le fruit de la prière, il trouvera en elle la lumière et la force de son action... L’un de vous, un de vos formateurs, me disait l’autre jour qu'évangéliser s'accomplit à genoux... Soyez donc toujours des hommes et des femmes de prière. Sans un rapport constant avec Dieu la mission devient un métier... Non. Ce n’est pas un métier, c’est autre chose. Le risque de l’activisme, d’une trop grande confiance dans les structures, est toujours un piège. Si nous regardons Jésus, nous voyons qu’à la veille de chaque décision ou évènement important, il se recueillait dans une prière intense et prolongée. Cultivons la dimension contemplative, y compris dans le tourbillon des engagements les plus urgents et pesants. Et plus la mission vous appelle à aller vers les périphéries existentielles, plus votre cœur doit être uni à celui du Christ, plein de miséricorde et d’amour. Là se trouve le secret de la fécondité pastorale, de la fécondité d’un disciple du Seigneur ! Jésus envoie les siens sans argent, ni sac, ni sandales. La diffusion de l’Evangile n’est assurée ni par le nombre de personnes, ni par le prestige de l’institution, ni par la quantité des ressources disponibles. Ce qui compte, c’est d’être imprégné de l’amour du Christ, se laisser conduire par l'Esprit et greffer sa propre vie sur l’arbre de vie, qui est la Croix du Seigneur... Je vous confie tous à l’intercession de Marie, la mère qui nous aide à prendre librement et sans crainte les décisions définitives. Puisse-t-elle vous aider à témoigner de la joie de la consolation de Dieu, sans avoir peur de la joie. Puisse-t-elle vous aider à vous conformer à la logique de l’amour de la Croix, à croître dans l’union toujours plus intime avec le Seigneur dans la prière. Ainsi votre vie sera riche et féconde". Source : Vatican Information Service (Publié VIS Archive 01 - 8.7.13) Intégralité de l'homélie (y compris les passages improvisés) ici. |