« Celui qui méprise les petites choses, dit l'Ecclésiastique, viendra peu à peu à déchoir (1). [...] Le Saint-Esprit nous déclare ici que celui qui méprisera les petites choses tombera peu à peu dans les grandes fautes. [...] Le démon est habile : il n'attaque pas d'abord les serviteurs de Dieu sur les choses essentielles, mais il commence par celles qui sont de peu de conséquence ; et gagnant toujours insensiblement quelque léger avantage sur eux, il fait bien mieux ses affaires de cette sorte que s'il en usait autrement. [...] C'est pour ce sujet que St Grégoire dit (2) que les petites fautes sont, en quelque façon, plus dangereuses que les grandes ; d'autant que plus on connaît celles-ci, plus la connaissance qu'on en a porte ou à les éviter avec soin, ou à se relever promptement lorsque l'on y est tombé ; mais pour les autres, moins on les reconnaît, moins on les évite ; et comme on en fait peu de cas, on y tombe si souvent, qu'on vient à s'en faire une habitude qu'on ne peut prendre sur soi de déraciner : ainsi un mal qui n'était presque rien dans sa naissance, s'accroît et se rend presque incurable par notre nonchalance et par les fréquentes rechutes. St Chrysostome nous confirme bien ceci lorsque, parlant sur la même manière, il dit (3) : J'ose avancer une proposition qui paraîtra surprenante et inouïe ; c'est qu'il me semble quelquefois qu'on doit apporter moins de soin à fuir les grands péchés qu'à éviter les fautes légères ; car l'énormité de ceux-là nous en donne naturellement de l'horreur ; mais nous nous familiarisons aisément avec celles-ci, par la raison qu'elles sont peu considérables, et le mépris que nous en faisons, nous empêchant de faire aucun effort pour nous en corriger, elles deviennent bientôt si grandes par notre négligence, qu'enfin nous venons à n'être plus en état de pouvoir nous en défaire. » 1. Eccli. 19, 1. - 2. Greg. 3. Psalm. adm. 34. - 3. Chrys. hom. 8. sup. Matth.. R.P. Alphonse (Alonso) Rodriguez s.j. (1526–1616), Pratique de la perfection chrétienne, Tome I (Première Partie, Premier Traité, Ch. IX), Trad. Abbé Regnier-Desmarais, Poitiers, Henri Oudin, 1866. Ne pas confondre avec St Alphonse Rodriguez (1533-1617), autre jésuite espagnol, portier au collège de Majorque, canonisé en 1888. |