« Cherche la liberté comme un bonheur suprême ; Mais souviens-toi, mon fils, de cette vérité, Qu'il te faut renoncer tout à fait à toi-même, Ou tu n'obtiendras point d'entière liberté. Ceux qui pensent ici posséder quelque chose La possèdent bien moins qu'ils n'en sont possédés, Et ceux dont l'amour-propre en leur faveur dispose Sont autant de captifs par eux-mêmes gardés. Les appétits des sens ne font que des esclaves ; La curiosité comme eux a ses liens ; Et les plus grands coureurs ne courent qu'aux entraves Que jettent sous leurs pas les charmes des faux biens. Ils recherchent partout les douceurs passagères Plus que ce qui conduit jusqu'à l'éternité ; Et souvent pour tout but ils se font des chimères Qui n'ont pour fondement que l'instabilité. Hors ce qui vient de moi, tout passe, tout s'envole ; Tout en son vrai néant aussitôt se résout ; Et, pour te dire tout d'une seule parole, Quitte tout, mon enfant, et tu trouveras tout. » Pierre Corneille, L'Imitation de Jésus-Christ, traduite et paraphrasée en vers français, Livre troisième Ch. XXXII, in "Oeuvres complètes de P. Corneille", Tome deuxième, A Paris, chez Lefèvre, Libraire-Editeur, 1834. |