« Si l'on pouvait voir dans la tête d'un solide marin quelle figure y prend la tempête, on verrait qu'elle s'y inscrit non comme un danger, mais comme une série de manoeuvres à exécuter, comme un "Oh ! hisse !" Devant ses lions, un bon dompteur calcule et ne tremble pas. Dans tous les cas, la tranquillité est une protection, et par elle-même elle est une valeur. Le danger est beau. L'homme qui l'affronte avec une prudence virile a d'avance sur lui le reflet de la victoire. Comment vaincre sans ennemis ? Le lutteur, en nous, n'aurait alors plus d'emploi. Le bien est meilleur, chez celui qui a risqué le pire. L'exercice de notre force ne consiste qu'à discipliner nos faiblesses et à franchir l'obstacle extérieur : nous exonérer de ce souci ne serait-ce pas un désastre ? Oh ! que la tentation nous "éprouve" bien ! On ne fait connaissance avec le poids de son corps qu'à la montée d'une côte ou sur une pente vertigineuse : la lourdeur de notre âme et son insécurité, si nécessaires à expérimenter pour provoquer l'élan vers l'unique recours, ne sont ressenties de nous qu'aux flancs de la montagne mystique et devant ses précipices. Une tentation est bienvenue, si l'expérience de nous-mêmes s'y accroît, si notre humilité s'y approfondit et si, par une fuite qui est au vrai une ascension, nous sommes portés à l'unique but de l'existence. » A. D. Sertilanges, O.P., Devoirs - Dix minutes de culture spirituelle par jour, Fernand Aubier / Editions Montaigne, Paris, 1936. |