« Il y a une grande différence entre la joie et le plaisir. Si une âme est trop terre à terre, si elle ne cherche à se satisfaire que dans la sensation du moment, il lui arrivera certes de se procurer des agréments de plus d'une sorte, mais elle ne saura seulement pas ce que c'est que la joie. La joie est d'ordre spirituel. Elle est en proportion de la spiritualité. Sans doute elle peut avoir son retentissement dans la sensibilité, et c'est pourquoi il y a de vraies joies qui deviennent sensibles ; mais toujours elles demeurent spirituelles dans leur principe et dans leur essence. La joie est pacifiante, elle se caractérise par une espèce de quiétude et de béatitude. Le plaisir agite, il est troublant, il excite puis déprime, il inquiète au fond plus qu'il n'apaise. La joie, à mesure qu'elle augmente, se fait plus discrète : elle ne se dissipe pas ; volontiers même elle se cache, se renferme. Le plaisir, plus il est vif, plus il s'extériorise. La joie est durable de sa nature, même si elle est traversée par la douleur et qu'elle se paie par le sacrifice. Le plaisir ne résiste pas à l'épreuve et s'évanouit à la moindre alerte en ne laissant souvent qu'amertume après lui. Il y a des êtres vulgaires qui ne savent prendre en tout que du plaisir, sans jamais s'élever à la joie. En revanche, il y en a de si nobles qu'ils sont comme incapables de s'arrêter au plaisir et s'ingénient toujours à le changer en joie. A ce signe vous reconnaîtrez un grand coeur : les plaisirs ne le satisfont pas, ils flottent dans sa capacité, il n'y a que les joies qui s'y fixent et qui s'y puissent installer. » (à suivre demain) Fr. R. Bernard, O.P., in "Notre-Dame de Toute Joie", Les Cahiers de la Vierge N°4, Editions du Cerf, Juvisy, Juillet 1934. |