« Jésus-Christ régnant dans l'homme substitue sa pensée divine à la pensée humaine : il produit la foi au Verbe divin qui est lui-même ; l'Egoïsme de l'intelligence n'existe plus. L'homme, hier encore, disait en se posant en superbe dans l'empire de la science : « Mon idée, mon opinion, mon système. » Il dit aujourd'hui : « Je crois à Jésus-Christ : ma pensée, c'est sa pensée ; ma parole, c'est l'écho de sa voix ; il est la vérité, toute la vérité ; et c'est la joie de mon intelligence de se perdre et de s'évanouir elle-même dans les splendeurs du Verbe. » Jésus-Christ régnant dans l'homme substitue son amour divin à tout l'amour du coeur humain. Le coeur est le foyer de ses passions, et les passions sont égoïstes : elles ne sortent d'elles-mêmes que pour attirer à elles. Leur expansion la plus désintéressée n'est qu'un moyen de bonheur égoïste : elles ne donnent que pour avoir, et plus souvent encore elles prennent sans rien donner. Toutes ces aspirations viles d'un coeur que l'amour n'a pas ouvert se résument dans un mot : jouir ; et pour jouir, que fait le coeur ? Il se répand sur les sens et la chair avec ses trésors d'affections, comme un vase renversé épanche sur la terre et souille dans la boue sa liqueur précieuse. Jésus-Christ change tout ce mouvement égoïste. Il fait remonter le coeur en l'unissant au sien, et il lui donne, en le touchant, une expansion libérale ; et c'est la joie de ce coeur de sortir de lui-même, et de se faire une félicité de tous les dons de son amour, et de toutes les effusions de sa vie. Enfin Jésus-Christ régnant dans l'homme substitue sa souveraineté divine à la souveraineté humaine. L'homme, sous l'inspiration de l'Egoïsme, tend de toute manière à se poser en souverain. Jésus-Christ retourne l'ambition humaine de haut en bas, et, entraînant sur ses pas l'homme séduit par son amour, il le fait serviteur ; il lui dit : Regarde : moi Dieu, je suis esclave : toi homme, craindras-tu de servir ? Et l'homme, de souverain qu'il s'estimait, se fait serviteur ; c'est la joie et tout ensemble le triomphe de sa volonté transfigurée par l'amour, d'abdiquer pour servir sa souveraineté personnelle. » R.P. C.J. Félix s.j. (1810-1891), Le Progrès par le christianisme - Conférences de Notre-Dame de Paris, Année 1858 (Septième conférence : le progrès moral par la destruction de l'égoïsme), 4e édition, Paris, Librairie d'Adrien Le Clere et Cie, s.d. |