« Quand le petit enfant Jésus fut apporté par ses parents, Siméon le reçut dans les bras et son amour fut comblé par cette étreinte. Ah ! mes frères, la langue ici n'a plus qu'à se taire... Ici, il n'y a plus que le silence. Ce sont les secrets des époux et leurs joies intimes qu'un tiers ne peut partager. "Mon secret est à moi, mon secret est à moi" (Is. 24, 16). Quel est ton secret, ô épouse, qui seule a connu le bonheur de ce baiser spirituel où se mêlent l'esprit créé et l'esprit incréé pour être deux en un, je dirais même pour ne faire plus qu'un, justifiant et justifié, sanctifiant et sanctifié, déifiant et déifié (*) ? Mais dirai-je ce que sans doute vous avez éprouvé vous-mêmes mieux et plus profondément que moi ? C'est le langage de l'amour que seul comprend celui qui aime. Ainsi l'âme purifiée des vices qui la souillaient, sent naître en elle la joie d'un élan du coeur, de cette joie naît l'amour et de l'amour naît le désir. Toute attache du coeur, tout désir temporel endormi, quand nul remous de pensées ne la balotte plus, complètement immergée dans l'abîme de son amour pour son Seigneur, adhérant intimement à lui, elle ne veut rien savoir, rien connaître sinon lui, rien que lui. L'esprit, saisi à ce point, se sachant embrassé par celui qui l'étreint, s'écrie plein d'assurance : "J'ai trouvé celui qu'aime mon âme" (Cant 3, 4). Et puissions-nous dire ce qui suit : "Je l'ai tenu, je ne le laisserai pas aller" ! Saint Siméon a mérité cela ; pourquoi dit-il alors : "Maintenant laisse aller ton serviteur en paix" (Lc 2, 29) ? Que veut-il ? Laisser le Christ ? Etre laisé par lui ? Ni l'un, ni l'autre, mais laisser ses liens de chair pour serrer plus étroitement en esprit, Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit honneur et gloire dans les siècles. Amen. » Saint Aelred de Rievaulx, Sermon pour la fête de la Présentation, Trad. R.P. Charles Dumont o.c.s.o., Editions du Soleil Levant, Namur, 1961. (*) : Dans l'union mystique, il s'agit toujours d'une participation par grâce à la nature divine et jamais quelle que soit l'audace de l'expression, d'une identification (note du R.P. Dumont). |
« Si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs. » Michel de Montaigne (1533-1592). |